Banqueroute !

Je me souviens de ce jeu. C’était le soir, vers dix-neuf heures. Sur l’autre chaîne, y’ avait les infos régionales. Mais nous, on regardait toujours la une. Mon père s’installait sur le canapé et ouvrait son journal, qu’il repliait d’ailleurs presque aussitôt et qu’il posait sur ses genoux sans avoir lu la moindre ligne. Puis on prenait place à ses côtés. Je m’appuyais sur son épaule. Il sentait bon la journée de travail. On était tous là, en famille. Enfin, sauf ma mère. Souvent, à cette heure là, elle préparait la soupe, dans la cuisine. Alors nous, on GUEULAIT parce-que le mixeur, ça faisait des parasites sur l’écran. Enfin le jeu commençait. C’était animé par un ancien prof de clarinette, qui arrivait toujours sur le plateau en courant. Il ne s’est jamais vautré, enfin je ne crois pas. Y’avait aussi trois candidats, qui avaient eu la chance d’être sélectionnés. Ils s’appelaient presque tout le temps Gérard ou Chantal. Des fois y’avait des Claude, mais pas souvent. Ils portaient toujours des vieux costumes gris et des cravates, ou, pour les femmes, des robes bleues avec de grandes boucles d’oreille. Des vrais gens, quoi. Comme nous. Bien moches, la plupart du temps. Une fois, y’a même eu un Noir. Il a rien gagné.
Le but du jeu, c’était de retrouver une phrase, inscrite sur un mur, mais dont les mots étaient masqués. Les candidats devaient proposer des lettres, et, s’ils tombaient juste, si la lettre annoncée faisait partit de la phrase, ils pouvaient tourner une roue multicolore pour déterminer le montant de leurs gains. Une jolie dame avec beaucoup de rouge à lèvre et des cheveux gras faisait alors apparaître sur un mur les lettres demandées. La somme gagnée était multipliée par le nombre de lettres retournées. Des fois, y’en a qui gaspillaient leurs chances en demandant des lettres qui avaient déjà été jouées. Alors nous, on GUEULAIT « putain, pas le T ! le T y’en a pas ! Ils l’ont déjà dit ! Il est con, celui-là MERDE ! »
Y’en a qui gagnaient beaucoup d’argent. Mais attention ! ils n’avaient pas le droit de repartir avec. Ils devaient obligatoirement l’utiliser pour acheter des cadeaux.
Cependant, les cadeaux, ils ne les achetaient pas n’importe où. Non, non, non ! Y’avait un manège, avec plein d’objets dessus. Un peu comme une foire aux greniers, ou aussi comme dans l’émission de Pierre Bellemarre. Sauf que là, c’était pas Pierre Bellemarre. C’était un ancien prof de clarinette, je l’ai déjà dit. Sur ce manège on y trouvait des vélos, des cafetières, des téléviseurs, des magnétoscopes, des sèche-linges, des chaînes stéréo, etc, etc… Plein de chouettes objets que nous on avait pas à la maison parce-que ça coûtait trop cher. Alors on s’imaginait que c’était nous qui disposions de l’argent, et on choisissait nos cadeaux. Mais on les a jamais reçus.
Des fois, le type gagnait une petite somme. Il ne pouvait donc pas acheter beaucoup de cadeaux. Et ce con, avec sa petite somme, il choisissait un cadeau pourri. Il regardait le manège qui tournait doucement. On voyait le beau vélo, le lot de cassettes avec des chouettes films de Belmondo, le baladeur qui permettait de capter aussi la radio. Et le mec, il s’en foutait de tout ça. Il choisissait une lithographie. Une simple lithographie. Alors nous on GUEULAIT. On disait « Putain, pas la litho ! PAS LA LITHO ! Pourquoi y prend pas le magnétoscope ce con ? On s’en fout d’la litho ! QUEL CON !»
C’est vrai, quoi ! On en aurait bien eu besoin, nous, du magnétoscope.
Le but du jeu, c’était de retrouver une phrase, inscrite sur un mur, mais dont les mots étaient masqués. Les candidats devaient proposer des lettres, et, s’ils tombaient juste, si la lettre annoncée faisait partit de la phrase, ils pouvaient tourner une roue multicolore pour déterminer le montant de leurs gains. Une jolie dame avec beaucoup de rouge à lèvre et des cheveux gras faisait alors apparaître sur un mur les lettres demandées. La somme gagnée était multipliée par le nombre de lettres retournées. Des fois, y’en a qui gaspillaient leurs chances en demandant des lettres qui avaient déjà été jouées. Alors nous, on GUEULAIT « putain, pas le T ! le T y’en a pas ! Ils l’ont déjà dit ! Il est con, celui-là MERDE ! »
Y’en a qui gagnaient beaucoup d’argent. Mais attention ! ils n’avaient pas le droit de repartir avec. Ils devaient obligatoirement l’utiliser pour acheter des cadeaux.
Cependant, les cadeaux, ils ne les achetaient pas n’importe où. Non, non, non ! Y’avait un manège, avec plein d’objets dessus. Un peu comme une foire aux greniers, ou aussi comme dans l’émission de Pierre Bellemarre. Sauf que là, c’était pas Pierre Bellemarre. C’était un ancien prof de clarinette, je l’ai déjà dit. Sur ce manège on y trouvait des vélos, des cafetières, des téléviseurs, des magnétoscopes, des sèche-linges, des chaînes stéréo, etc, etc… Plein de chouettes objets que nous on avait pas à la maison parce-que ça coûtait trop cher. Alors on s’imaginait que c’était nous qui disposions de l’argent, et on choisissait nos cadeaux. Mais on les a jamais reçus.
Des fois, le type gagnait une petite somme. Il ne pouvait donc pas acheter beaucoup de cadeaux. Et ce con, avec sa petite somme, il choisissait un cadeau pourri. Il regardait le manège qui tournait doucement. On voyait le beau vélo, le lot de cassettes avec des chouettes films de Belmondo, le baladeur qui permettait de capter aussi la radio. Et le mec, il s’en foutait de tout ça. Il choisissait une lithographie. Une simple lithographie. Alors nous on GUEULAIT. On disait « Putain, pas la litho ! PAS LA LITHO ! Pourquoi y prend pas le magnétoscope ce con ? On s’en fout d’la litho ! QUEL CON !»
C’est vrai, quoi ! On en aurait bien eu besoin, nous, du magnétoscope.
Greenspirit.