jeudi, novembre 09, 2006

Copé fait fliper les tôliers.


Depuis que se profile l’interdiction totale de fumer dans les lieux publics, les bistrotiers, hôteliers et autres patrons de bocs sont à un jet de cacahuète de la dépression nerveuse. Ils errent entre nuits blanches et cafés noirs, à fumer des cigarettes et attendre fébrilement que le dépôt de bilan pointe le bout de son nez.

Ainsi, la loi concernée, applicable au 01 janvier 2008, sonnerait assurément le glas de ces professions qui, victimes d’un arrêt liberticide et abjecte, n’auraient plus qu’à mettre la clé sous le pot de géranium. On assisterait au trépas du zinc, à la calanche du rade, au déralinguage du bocard, à la mort programmée d’une des plus importantes institutions françaises : le café. Dans nos campagnes, c’est l’âme des villages qui serait fusillée sur le peloton d’exécution de la santé publique, et dans nos villes, c’est l’esprit des quartiers populaires qui serait éviscéré sur l’autel des non-fumeurs.

Alors, naturellement, face à ce fléau antinicotique qui point à l’horizon, la résistance s’organise. Les protestataires énervés menacent de sortir de derrière leurs comptoirs pour envahir les rues et ériger face aux préfectures des barricades en barriques de bières, en attendant de pied ferme les représentants de l’autorité armés de tessons de bouteilles, de cendriers Ricard et de divers autres projectiles susceptibles de taillader les arcades. Le but : faire une nouvelle fois plier le gouvernement, le faire renoncer à ce projet monstrueux.

Or le gouvernement se méfie comme de la peste des colères de cette confrérie. Pourquoi ? Parce que le pouvoir qu’elle exerce sur les électeurs est immense. Notamment sur cette France qui se lève tôt et qui fait tourner les usines, sur cette France qui, dans quelques mois, va être conviée à choisir un ou une excité(e) pour l’asseoir sur le trône. Car ce n’est pas dans les livres ni dans les tracts de partis, encore moins dans les résumés de programmes politiques que se forge l’opinion publique, mais bien chez Claude et Jamie, à l’Auberge de la main gauche, ou au Relais de la gare, entre un verre de pastis et un jambon-beurre. Le patron de bar est un sculpteur d’idée, un artiste, souvent alcoolique certes, mais qui, d’un soupçon, d’une rumeur, élabore un point de vue, façonne une manière de voir qu’il expose ensuite avec conviction à la populace accoudée. Les sans-pognons, soulographes et autres traine-guenilles, attentifs, ingurgitent entre deux blancs secs les leçons du maître à boire et à penser, puis relayent, au sein de leur foyer ou à leur travail, les avis affichés. Ils deviennent ainsi le terreau de l’opinion dans lequel le tôlier enfonce sa graine d’un doigt souvent graisseux.


C’est la raison pour laquelle Jean-François Copé n’a pas hésité à mouiller sa chemise pour tenter d’apaiser le courroux des tôliers. Ce dernier espère sauver la situation en proposant des mesures pour le moins… décalées. En tout cas décalées dans le temps. L’idée, c’est, par une manoeuvre fiscale, de relancer le flipper, afin que le consommateur frustré de ne pouvoir griller sa tige puisse passer ses nerfs quand même sans pour autant déserter les lieux. Or personne ne se rappelle avoir vu le début d’un prémisse de cadran de flipper dans un bar depuis au moins quinze ans. Depuis belle lurette les jeux pc ont botté le cul du billard électrique, et seuls quelques nostalgiques en possèdent encore un exemplaire poussiéreux dans un coin de leur bar. Mais il en faut plus pour décourager un ministre du budget en campagne électorale. Il va même jusqu’à tenter l’extra balle en poussant des jurons populaires dans un rade de campagne, devant, évidemment, quelques caméras agglutinées, afin de convaincre tout le monde du bien fondé de son plan de sauvetage. Remettre au goût du jour des technologies du siècle dernier, telles semblent être les idées d’un groupe politique qui invite les électeurs à « imaginer la France d’après » !

Les professionnels du blanc limé s’assoient bien sûr sur cette proposition qu’ils jugent inappropriée et se demandent si, par hasard, le gouvernement ne serait pas en train de se foutre gentiment de leur gueule. Alors, comment sortir de l’impasse ? Comment satisfaire à la fois les nombreux électeurs paranoïaques de la toux sèche qui voient dans la moindre fumée de cigarette le sombre spectre du cancer pulmonaire, et les non moins nombreux quidams couperosés qui fréquentent les bistrots et qui ont cet embarrassant défaut d’avoir le droit de vote ? Il y a bien une solution, mais qui risque fort de fâcher les néo-féministes alonzoiens, c’est le retour de la gourgandine. En effet, quoi de plus lucratif que la bonne vieille fille de joie, quoi de plus rentable au mètre carré qu’une boîte à vérole assermentée ? Quitte à relancer d’anciennes habitudes, autant choisir celles qui rapportent un tant soit peu d’argent. Les patrons boucleraient leurs comptes, les clients oublieraient leur chagrin de ne pouvoir bouffarder, et quelques donzelles perdues trouveraient de quoi gagner dignement leur croûte en soulageant l’humanité souffrante. Enfin moi, ce que j’en dis…

Greenspirit.
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