mercredi, juillet 04, 2007

Interpellation.




J'ai testé récemment la course-poursuite avec les flics. Echec cuisant. Rattrapé au bout de trente mètres.

Ca s'est passé mardi aprés-midi. Je venais de récupérer Marine, a la sortie de l'école maternelle. Elle sort de classe, les genoux pleins de pelouse, comme d'hab, et me tend tout un tas de dessins et de découpages abracadabrantesques devant lesquels il faut que je m'extasie. ( Il faudra cependant bien qu'un jour, si on veut que l'art se renouvelle, qu'on arrete de faire croire aux gosses que ce sont des génies de la peinture et qu'on leur explique que leurs dessins sont à chier. Passons.) Elle monte dans la voiture, je jette son oeuvre sur le siège arrière et j'attache sa ceinture. Je lui explique qu'on a prévu d'aller essayer son cerf-volant au bord de la mer. Démarrage, manoeuvre, puis on sort du parking et on s'engage sur la départementale. Pas plus de huit cent mètres à faire, on passe à la maison récupérer la maman, et hop, on se taille. Sauf que là, dans un virage, avec un peu d'arbres, des chasse-coquins. Ah les scélérats !

Y'a pas a dire, le cerveau est formaté pour réagir à un certain type de bleu. Des connexions se font instantanément : Marine est attachée, mais pas moi. Putain, pas de ceinture. Grrr !Trop tard pour la mettre. Ca va attirer leur attention. Bon, faisons semblant de rien, allons-y franco. Coeur qui palpite. Putain j'aime pas ça bordel. J'arrive à leur niveau. Surtout, ne pas les regarder. Le regard fixe. Oui, c'est ça. Fixer un point. Sur la route, c'est mieux. Déglutition. Faut que ça passe.

Je les guette du coin de l'oeil. Ils me font signe. MERDE. Quoi faire bon Dieu ? Pas vraiment le temps d'analyser le problème raisonnablement. Tentons-la j'ai rien entendu rien vu. Je suis Ray Charles en moins mort au volant d'une Xantia 1L9 d. Je continue d'avancer, tranquillement, sans accélérer. Je me contente de suivre la circulation. Je chantonne timidement du blues, mais je suis assez minable dans le rôle de l'aveugle noir. Et les flics, c'est pas vraiment des sentimentaux. Ils s'affolent. Putain de MERDE. Coup de sifflet on ne peut plus audible. Au passage, si y'a bien un truc qui n'a pas changé chez les guignols depuis le second Empire, c'est bien le coup de sifflet. Sacrés musiciens quand même. Une seule note, mais alors caractéristique. Ô combien chargée de sens. Une note qui raconte toute une histoire, du genre toi-on-t'-a-vu-et-tu-va-en-chier-si-on-te-chope. Moi ça m' émeut, c'est sûr. J'ai le coeur qui cogne dans la gorge. Mais c'est trop tard pour reculer. Yeepe, c'est parti, banzaï!



Je les perd de vue après le virage. J'ose pas y croire. Coup d'oeil dans le rétro. Personne. Putain il fait chaud dans cette bagnole. Non, c'est pas possible. C'est pas possible que je vienne d'embrouiller la flicaille ! Et ben non, c'est pas possible. Au bout de trente mètres à peine, je suis bloqué à un feu rouge. Sortie des classes, école primaire. Y'a un seul feu à Andilly, faut que je me le tape à ce moment là. Je pense une seconde emprunter le trottoir mais je me dit que les gendarmes ont une fâcheuse tendance à considérer que rouler sur des gosses de huit ans avec un véhicule diesel d' une tonne 300 constitue une circonstance aggravante. Ma cavale s'annonce mal partie.

Pour vous qui vous réjouissez à l'idée de passer inaperçus, le fait d'être rejoint par une voiture à gyrophare armée d'une corne de brume du tonnerre et dont le chauffeur s'amuse à pousser les rapports devant une école publique à l'heure de la sortie des classes ne sera pas votre truc. Personnellement, j'aime pas trop me faire remarquer ( bien que par le passé..., enfin bon ). Mais dans ces circonstances, c'est quand même pas facile de rester naturel. Les flics sont derrière moi. Ils font ronfler le moteur et jouent avec la sirène. Ben voyons. Comme si on attirait pas déjà assez l'attention. Tout le monde se retourne. je reconnais au passage un des parents que je salue de la tête tout en tapotant avec mes doigts sur mon volant, l'air de rien. ( Ou plutôt l'air d'un mec crispé qui aurait de la fièvre.) Le feu passe au vert. Je ne voudrais surtout pas gêner en quoi que ce soit la circulation. Faut que je me tire d'ici. J'avance doucement. C'est le genre de truc qui semble agacer la flicaille. Ils me doublent (au risque de se fracasser sur un véhicule qui arriverait en face) et se rabattent devant moi pour me bloquer le passage. Top chrono. Du grand art. N'ai plus qu'à me garer sur le côté. En tout et pour tout, la poursuite aura duré moins d'une minute. FOXnews n' a même pas daigné envoyer un hélico. Moi j'ai l'air con, eux vraiment pas contents.

Cette fois les agents prennent la peine de descendre, avec l'air de prendre très au sérieux leur boulot. Ils sont du genre volumineux à raybans. Ils arrivent vers moi presque en courant. Z'ont peut-être peur que je me tire en prenant ma fille en otage. L'un d'eux entame le traditionnel tour de bagnole suspicieux. On dirait un badaud excité aux journées Occasions du Lion. Son collègue se penche vers moi en prenant des allures de cowboy. Je juge bon d'ouvrir ma fenêtre. J'ai l'impression d'être déjà au parloir. Il m'aboie un "bonjour m'sieur" protocolaire. Une manière comme une autre d' engager la conversation.

-Monsieur, vous savez pourquoi on vous arrête ?

- M'en doute. Pas ma ceinture.

- Papiers du véhicule, s'il vous plait.

S'il vous plait ! Comme si j'avais le choix ! Le cowboy n'a pas envie de plaisanter. Il est sur les nerfs. Je le sens prêt à dégainer son carnet de contravention au moindre de mes gestes. Dire que dans l'intimité, sa femme l'appelle peut-être mon gros chaton en lui touchant les couilles. Je tend la carte grise, seul document à peu près interressant dans cette situation à se trouver présent dans cette voiture. Puis je gagne du temps (pourquoi faire ?) et fait semblant de chercher mon permis, alors que je sais pertinemment que je l'ai perdu il y a plus de trois ans. Je regarde dans les portières, puis vérifie un à un les pares-soleils. Toujours rien. Le savais déjà. J'attaque la boîte à gant. Rien qu'avec elle, je peux gagner au moins dix minutes. Retarder l'échéance de la sentence, c'est ça qui compte. Mais c'est s'accrocher à une corde graisseuse. Dérisoire. De toute façon, ça va tomber. Dans le tas de papiers que j'extrais de cette poubelle qu'est devenue la boite à gant, je trouve des papiers d'assurance chiffonnés. Aucune idée de quand ils peuvent dater. Je les tend a un des deux flics. N'a qu'à s'en démerder. J'ai pas demandé à me faire alpaguer, moi. Je continue à simuler un instant des recherches puis, las de tout ce cirque, je finis par baragouiner :

- J'mumhhh..perd...permis

- Pardon monsieur ?

- Hum. J'ai pas mon permis.

Il me rend les papiers d'assurance d'un geste agacé.

- Votre assurance est périmée. (ça je ne le savais pas ! ) Dites, ça fait pas un peu beaucoup, tout ça, monsieur ?


- Je ne roulais pas vite, lui fais-je remarquer.

Il ne semble pas faire cas de mon argument. On se demande à quoi ça sert de respecter le code de la route. Je songe alors à lui demander de me faire souffler dans un ballon pour lui prouver que je n'ai pas bu, puis je renonce. Pourquoi pas ouvrir le coffre pour leur démontrer que je ne me ballade pas avec un cadavre, tant que j'y suis. Après tout, on ne peut pas espérer du mérite pour quelque-chose qu'on a pas fait.

Le flic-badaud rejoint alors son collègue. Il lui jette un regard genre alors, quoi de neuf ? ( comme si en trois minutes celui-ci avait pu obtenir des informations essentielles sur cette affaire de la plus haute importance.) Et bien non, il est bredouille, ce con. Rien a se mettre sous la dent. Aucun indice lui permettant d'affirmer que je suis en règle. Ni assurance valable, ni permis. Bien fait !

Précisons que pendant ce temps on assiste à une drôle de procession de voitures conduites par des parents ne ratant pas une miette du spectacle et dont certains j'en suis sûr expliquent à leurs enfants en me montrant du doigt combien il est important de mettre sa ceinture. Je finis l'aprés-midi en interpelé pédagogique, exposé en centre-bourg comme un goret de foire. Manque plus qu'une pancarte " Cet homme ne respecte pas code de la route! Honte à lui ! " C'est la première sanction, payable sur le champ, lorsque les flics vous chopent : l'humiliation publique. Dans ce cas, il vaut mieux habiter une grande ville. Plus facile de se faire oublier. Dans une grande ville, tout le monde se fout de ce qui peut vous arriver. A la campagne, ça anime les conversations ( ou plutôt les non-conversations) pendant au moins une semaine !

John Wayne dégaine. Pas un seul abrevoir derrière lequel me planquer. Tout seul en bottes à franges au milieu de la rue principale. Je suis foutu. Il tire. Le salaud. Je suis touché en pleine bourse. 90 euros. Mon compte bancaire agonise. Marine pleure. Bourreau d'enfant ! Aucun coeur! Il dit que c'est censé m'apprendre à mettre ma ceinture. Ca fait cher le conseil. Enfin moi je trouve. Puis il enfonce le clou. Deuxième balle :

- Vous avez cinq jours pour vous présenter à la gendarmerie avec votre permis.

- mettons que j'oublie ?

- On se recroisera.

- Je passe jeudi.

Fin du rapport dominant-dominé. Je boucle ma ceinture et je m'en vais. 400 mètres plus loin, je me gare devant chez moi. Le cerf-volant à intêret à voler correctement.



Bon, là, c'est vrai, ça va faire une semaine, et j'ai pas encore trouvé le temps d'aller porter les documents. Mais demain, promis, j'y vais. Au fait, je suis assuré ? Merde, faut que je vérifie.
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