samedi, février 25, 2006

Le Christ et le rôti.


Quand j’était minot, j’allais à la messe tous les dimanches. Dans l’église mal chauffée et humide, y’avait tout un tas de vieux qui chantaient des cantiques. C’était très chiant. Et long. Une dame d’un âge indéfinissable accompagnait (mal) tous les chants à l’orgue électrique. Puis, enfin, le curé s’approchait lentement du micro, tapotait dessus pour s’assurer qu’il fonctionne, ce qui, à chaque fois, provoquait un horrible grésillement des enceintes, et il commençait son numéro. Il répétait sa messe par cœur, toujours de la même façon, avec sa voix chevrotante, tout vieux qu’il était lui aussi.

Moi, j’étais enfant de cœur. Je lui filais un coup de main pour préparer le pinard et les hosties. Ma mère était drôlement contente. J’ai jamais su pourquoi, vu qu’elle venait jamais à la messe. Personnellement, au début, je m’en foutais un peu, d’être enfant de coeur. Avec le recul, je me dis que j’ai eu de la chance de tomber sur un prêtre qui savait garder ses mains dans ses poches et pas dans les miennes. A l’époque, je considérais que la messe était une activité comme une autre. Un peu comme le foot, ou le judo. Mais j’ai très vite trouvé ça ennuyeux. Il ne se passait jamais rien d’extraordinaire. Tout était convenu. Pas un dérapage, pas d’esclandres, encore moins de bagarres. Les gens se levaient quand on leur disait de se lever, ils s’asseyaient quand on leur disait de s’asseoir. C’est tout.

Au bout d’un moment, un grand-père tout ridé, toujours le même, immanquablement, se portait volontaire pour la lecture de la prière universelle. Grand moment. Les paroissiens l’écoutaient sagement, debout, la tête légèrement penchée en avant pour se donner un air grave, car, quand même, la prière universelle, c’était pas un moment où on pouvait déconner. On évoquait la misère, la faim dans le monde, les malades qui se mouraient lentement dans les hôpitaux, les enfants, victimes malheureuses d’ horribles guerres ; on invitait à la générosité envers son prochain, à écouter les autres. Les gens approuvaient de la tête d’un air triste. Puis le curé reprenait la parole une dernière fois, et terminait la cérémonie avec toujours les mêmes mots, encore une fois. Pour l’avoir tellement entendue, je me souviens précisément de cette petite phrase qui bouclait la prière universelle :
-« Entendons l’appel du seigneur, mes frères, et entrons dans son Alliance. Ignorons les ombres, les épreuves, les chutes, et restons confiants dans l’amour de Dieu notre père. Allez, mes frères, dans la paix du Christ. »
A la fin de cette chouette prière, il restait normalement une chanson, toujours la même. Un peu comme dans un bar qui diffuserait toujours la même musique avant la fermeture. Mais le plus souvent, l’assemblée commençait à se disperser dès que le vieux regagnait sa place. Il était près de midi, et les paroissiens, de nouveau tout joyeux, étaient pressés de rentrer chez eux ( dans la paix du Christ ) s’occuper du rôti dominical et des haricots verts. C’est vrai que ces histoires de faim dans le monde, ça ouvrait l’appétit.

Quand j’était minot, j’ai appris que la compassion, chez les catholiques, c’était le dimanche, de onze heures à midi moins cinq.

Greenspirit.

2 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Moi quand j’étais minot, je me souviens que j’avais une vieille tante qu’on appelait Titi. C’était pas mal pour une tante, car çà donnait Tatatiti . Tatatiti avait pas toujours été vieille, mais peut être quand même un peu.
Y’avait toujours eu un minimum de vieillesse chez Tatatiti. Je me souviens que quand j’allais en vacances chez Tatatiti, chaque dimanche matin je me tapais la messe.

Hiver comme été, chaud ou froid, chaque dimanche matin que je passais chez Tatatiti, mon rituel était le même : Après la soirée du samedi avec les petites cousines, leur père moustachu, leur mère aussi d’ailleurs mais surtout frisée, je m’endormais après que Tatatiti ait bien pris le soin de me border, en me rappelant de faire une prière avant de m’endormir.
Tous les dimanches matins que je passais là-bas, je me réveillais à 9 heures, je me levais pour boire un grand bol de Tonimalt et y tremper des cracottes largement beurrées.
Après je passais à la toilette, dans la salle d’eau un peu froide, face au lavabo, avec à chaque fois deux gants, « un pour le haut un pour le bas ». Après c’est Tatatiti qui faisait sa toilette et moi je l’attendais assis dans un fauteuil en lisant Télépoche et en me curant le nez en sachant que je pourrai pas le faire devant Tatatiti après .

Peu avant 11 heures, Tatatiti me proposait un Stoptou et vérifiait que mon manteau était bien fermé pour que je sois pas malade. Puis on partait à l’Eglise. Quand il pleuvait Tatatiti mettait une capuche en plastique sur sa tête, et elle avait un parapluie pour moi. Chaque dimanche, une messe d’une heure, avec toujours les même vieilles, à qui je devais dire « bonjour madame » et dont je devais me taper les bisous dégueulasses. Avec toujours le même curé, toujours le même vieux qui passe pour la quête, toujours la même odeur de pourri dans l’Eglise trop froide. Fallait que je sois poli avec la dame, que je me mette debout, que je me rassoie, que je me remette debout, que je chante, que je dise la prière avec les autres, que je me retape les bisous des vieilles une deuxième fois pendant la messe au nom de « la paix du Christ ». Si je faisais pas tout çà Tatatiti me faisait les gros yeux.
Après y’avait de la musique et une vieille qui chantait encore, et on s’avançait tous à la queuleuleu pour aller gober de l’ostie en répondant Amen au curé qui disait « Au nom du christ ».
Puis arrivait la fin de la messe, les derniers bisous sur le perron, des vieilles qui s’extasiaient devant mes yeux ou parce que oh là là qu’est ce que j’avais grandi.

Enfin on rentrait à l’appartement, celui en face de chez Madame Talabardon. A chaque fois Tatatiti m’enlevait mon manteau et me disait d’être sage, à chaque fois Tontonrené râlait un peu après Tatatiti pacqu’on était en retard pour manger, bien que çà faisait des siècles que tous les dimanches Tatatiti allait à la messe et que tous les dimanches elle rentrait à la même heure pour manger avec Tontonrené en écoutant RTL.

12:15 AM  
Anonymous Anonyme said...

Pardonnez-moi, monsieur southspirit, mais il me semble qu'il s'agissait à l'époque d'Ovomaltine, et non pas de Tonimalt!

9:21 AM  

Enregistrer un commentaire

<< Home

FreeCompteur.com