mardi, janvier 17, 2006

Les Russes ont gagné la Guerre Froide !


1945. La guerre est finie. Hitler s’est fait passer le goût du pain, tout seul, comme un con. Quelques semaines plus tard, un jour de pluie, les vainqueurs dont l’union a permis de botter le cul de ces grandes gueules de nazis, se réunissent pour rebâtir un monde qui n’a plus vraiment de sens, un monde passé au sanibroyeur de la bêtise humaine par cinq années de conflits. Toutefois, il leur est impossible de s’entendre sur les méthodes à employer. Très vite, les divergences de points de vue pourrissent l’ambiance. L’alcool aidant, les relations se dégradent entre l’oncle Jo et l’oncle Sam. Le ton monte. Chacun campe sur ses positions. A un moment, Churchill propose un cigare à Truman. Mais pas à Staline, qu’il croit non-fumeur. Celui-ci se vexe. Il plante ses homologues et rentre à Moscou, l’Europe de l’Est dans ses bagages.

Ainsi, dès 46, le monde est divisé en deux. Les nations se rangent derrière deux idéologies distinctes, le libéralisme et le communisme. D’un côté, des jeunes freluquets arrogants bouffant des bigmacs et avalant des bières au volant de leur décapotable tout en regardant le dernier James Dean au drive-in du coin. De l’autre des grands gaillards avec de gros chapeaux en laine faisant la queue sous la neige pour acheter deux cent grammes de pain et un litre de vodka.

Le camp occidental perçoit alors le communisme comme un système totalitaire menant à la paupérisation des peuples. Moscou quant à lui dénonce l’impérialisme européen et américain, et crache sur un système économique dépourvu d’humanité. ( Il avait pas tout à fait tort. Mais bon, c’est pas dans les goulags non plus qu’on allait la trouver, l’humanité, faut pas déconner !) Bref, encore récemment, avant que le Kremlin ne mette un genou à terre et ne rende les armes, il était encore facile de dissocier les deux systèmes de pensée. Liberté opposée à Egalité.

Mais depuis quelques années, après la victoire du libéralisme et l’avènement du néo-libéralisme et du capitalisme financier, il y a comme un mélange des genres. La société occidentale présente de plus en plus de curieux symptômes, qui laissent à penser qu’elle souffre d’une sorte d’affection post-bolchevique. Comme si, à long terme, les radiations émises par le capitalisme étaient aussi néfastes et nocives que celles émises par le communisme.

Ainsi, par exemple, on reprochait à Staline de contrôler totalement les médias, notamment la presse. On l’accusait également d’avoir la main-mise sur l’œuvre cinématographique russe. Toute la communication de masse était vouée à la propagande. Le stalinisme n’était qu’aliénation de la pensée humaine, l’abnégation forcée de toute réflexion personnelle. Tout cela est vrai. Sauf qu’aujourd’hui en France, quatre-vingt pour cent des titres de presse appartiennent à deux groupes, Dassault et Lagardère, accessoirement fabricants d’armes. Aux Etats-Unis, la presse se range presque toujours aux côtés du gouvernement, sans même qu’on lui demande quoi que ce soit. Bizarrement, dans la région du Golfe, le journalisme s’incline devant le patriotisme. Souvenez-vous : soutien quasi-total à la guerre, sans que l’administration Bush n’ait besoin d’intervenir ou de faire un effort de contrôle. Dan Rather disait lui-même : « je mourrais volontiers pour mon pays sur-le-champ, et sous le commandement de mon président.» Les journalistes de la Pravda, au moins, avait une excuse : La menace d’une déportation dans un camp de vacance en Sibérie. Maintenant la télévision est devenue outil de propagande commerciale. Et les groupes de presse sont absorbés par de grands complexes militaro-industriels (NBC appartient au géant Général-Electric, fournisseur de l’armée américaine.)

Autre exemple : Dans la société de non-consommation des années Staline, la production était entièrement sous contrôle de l’Etat. Aucune concurrence du secteur privé. Aucun choix pour le consommateur. Dans notre société, ce sont de grands groupes financiers macrophages qui, à force d’absorber leurs concurrents par phagocytose, font que, par exemple, lorsque vous faites vos courses, vous avez le choix entre des produits Danone, des produits Danone, ou encore des produits Danone ! (Voici une liste non exhaustive des marques appartenant à ce groupe : Activ' - Belin - Cracotte - Danone - Evian - Galbani - Gallia - Gervais - Gold - Lu - Minute Maid - Phosphatine - Taillefine - Tourtel – Volvic Taillefine, Fjord, Danone et Fruits, Gervita, Charles Gervais, Yoghourt Nature de Danone, Crème de yaourt, Danone Kid, Jockey, Danette, Actimel, Velouté, Bio, Gervais aux fruits, Petit Suisse Gervais, Danone Snac, Pépito, Barquettes, Petit Ecolier, Belin, Les Secrets de Pauline, Napolitain, Pim's, Captain Choc, Chipster, Hello, Prince, Ourson, Tuc, Ressources blé, Ressources fruits, Salvetat, Volvic, Badoit, Talians, Arvie, Galabani, Heudebert, Bledina, etc., etc…). Dans un autre secteur, les radios dites libres diffusent presque exclusivement de la musique « commandée » par deux ou trois majors seulement. Les « variétés » sont tout sauf variées. La diversité culturelle n’a plus aucun sens.

Nous sommes donc face à une situation de quasi-monopole dans de nombreux secteurs, et, semaine après semaine, les lois du marché à l’occidentale font que le phénomène prend de plus en plus d’importance. Homogénéisation des goûts et de la pensée. Règne de l’autocensure, du politiquement correct. Discours des politiques sur la « valeur du travail » aux vieux relents de stakhanovisme. Le stalinisme se déguise en billet de un dollar pour pisser du coca à la tronche de l’Occident.


Greenspirit.

3 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Y'avait Guy Debord, le brave homme, que toute notre génération a déjà oublié. Il a dénoncé la "société du spectacle" bien avant qu'elle apparaisse.Oeuvre cultureuse et chiante à mourir mais certainement fondamentale. Aujourd'hui tout le monde s'en fout, et y'a plus que Florent Pagny pour dénoncer cette "société du spectacle", c'est dire si on est libre de penser.
Y'en a un autre, le pauvre homme, qui avait prévu cette joie du tout-est-à-vendre-mondialisé, c'est la génial Romain Gary. Dans les années 1960, il écrivait :
"A mon avis, la raison profonde, sérieuse, la raison saisissable, c'est ce que je nommerais la "société de provocation" : presque toutes les sources des violences se ramènent à cela. Il y a plusieurs domaines; prenons l'Amérique par exemple : à chaque instant du jour et de la nuit, dans les rues, dans les journaux, le public est noyé sous un déferlement d'images et de richesses étonnantes, des images de luxe et de confort auxquelle s'attache un seul impératif, toujours le même : achetez, achetez, achetez ! Cette provocation est adressée au public d'une manière constante, sans discrimination, et elle vient forcément frapper des masses qui n'ont aucun moyen d'acheter ces richesses. Il est donc naturel que, dans certains quartiers, cela finisse par exploser et qu'on pille les magasins.".

1:37 AM  
Anonymous Anonyme said...

Allez donc jeter un oeil sur les ecrits du brave Bourdieu. C'est la même veine pour ce qui des médias.
Quant à la mondialisation, olivier Dollfus semble bien incontournable...

12:45 PM  
Anonymous Anonyme said...

Ouaip meci pour le conseil, sauf que je sais pas si tu as déjà un ouvrage de Bourdieu (par exemple Misères du Monde, tiens)... Bah à côté Guy Debord , il écrit des livres pour enfants..
Bourdieu c'est trs bien mais c'est illisible.. Tout juste si çà fait bailler à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales..

9:29 PM  

Enregistrer un commentaire

<< Home

FreeCompteur.com