vendredi, décembre 16, 2005

Des cocotiers dans son jardin


Il se pourrait que tout le monde s’en foute, mais à l’heure où le gouvernement décide de réinventer l’Histoire en enjoignant aux professeurs d’école de présenter à leurs élèves l’époque coloniale comme la meilleure des choses qui soit arrivée aux peuples occupés, le Club Med, lui, affiche un sourire bronzé en annonçant avec une haleine chargée en monoï une reprise des bénéfices pour la saison 2005.

Signe de la bonne santé du tourisme sac-banane, le groupe au trident recommence en effet à gagner de l’argent. Il profite il faut le dire d’un contexte particulier. Ces derniers temps, les compagnies low-cost, qui permettaient aux mal-coiffés les plus modestes d’aller eux-aussi traîner leurs sandalettes en plastique aux pays des babouches en cuir, ont une fâcheuse tendance à faire atterrir leurs avions au beau milieu des océans ou sur les flancs des montagnes, ce qui se révèle toujours être désastreux quant à la préservation de l’intégrité physique des passagers. C’est vrai qu’il y a rien de plus emmerdant qu’un avion qui s’écrase avant d’arriver au buffet. Du coup, les aventuriers de la pension complète tiquent de plus en plus à se ruer sur n’importe quelle offre. Ils veulent un minimum de sécurité. Il y a donc un retour aux vacances de qualité, quitte à payer un peu plus cher son supplément salle de bain.

Les gentils animateurs reprennent ainsi du service. Ils s’efforcent, avec plus ou moins de talent, de distraire de vieilles dames liftées au bord de piscines à vingt-neuf degrés et redoublent d’efforts pour organiser des matchs de beach-volley avec des gus poilus en maillots fluos. A mille cinq-cent euros la semaine, faut pas qu’on ait le temps de s’ennuyer. Tous ces joyeux lurons en manque d’exotisme se verront donc ensuite proposer un dîner dansant animé par un mec en pagne. Ils danseront entre eux, la grosse dame avec le petit à moustache, le facho avec la socialo, la dentiste avec le métallo. Des gens qui, le reste de l’année, ne se seraient même pas adressé la parole feront équipe dans un concours de course en sac. Et le pire, c’est qu’ils seront sincères dans leur amitié d’un soir. L’aventure, ça crée des liens, de surcroît quand c’est à l’étranger. Les heureux vacanciers rejoindront enfin leurs cases en paille, tard dans la nuit, ivres comme des Polonais après s’être descendu des litres de bière à seulement trois coquillages le verre.

Le lendemain, malgré la gueule de bois, sortie en chameau dans un rayon de deux kilomètres autour de l’hôtel. Pas plus loin, car on ne sait jamais, avec ces peuples barbares qui rôdent dans les parages, il faut s’attendre à tout. De toute façon, ils s’en foutent, les adeptes du bermuda, de ne pas voir du pays. A quoi bon ? Que des gosses qui font la manche ! Que des coupeurs de gorge ! Que des bandits de grands chemins ! Et puis la pauvreté ! Mon Dieu ! La pauvreté ! Partout ! Dans chaque ville, dans chaque village, à chaque coin de rue. Un mendiant, un lépreux, un mutilé. Des fois, ils ont même des mouches sur la tête. Quelle horreur ! De quoi vous saper le moral et vous gâcher vos vacances.

Heureusement, le Club Med pense à tout. C’est vrai, quoi ? Les gens ne sont pas là pour voir tous ces pauvres, quand même ! Alors il a eu la bonne idée de bâtir des grands murs autour de l’hôtel. Et aussi d’interdire la plage aux gens du coin, à ceux qui vivent ici mais qui ne dorment pas à l’hôtel Exelcior, à ceux qui voient, tout au long de l’année, des flots d’Européens grassouillets et méprisants venir dévaster les côtes de leur cher pays. Le Nord peut tranquillement régurgiter ses touristes sous le soleil du Sud, sur des terres une fois de plus usurpées, sans que les peuples dépossédés puissent objecter quoi que se soit. Le capitalisme dans toute sa splendeur s’assoit sur le reste du monde et lui pète à la gueule. C’est un système qui a fonctionné pendant plus d’un siècle et qui a été aboli…dans les années cinquante.

Aujourd’hui, curieux retour en arrière, il s’agirait d’enseigner à des mômes que lorsque une civilisation se considère supérieure à une autre, que ce soit spirituellement, comme au dix-neuvième, ou économiquement, comme c’est le cas actuellement, il est normal qu’elle lui impose SA vision du monde. C’est pour cela qu’il est dommage que tout le monde s’en foute que le gouvernement pose une patte puante dans les manuels d’histoire.

Greenspirit.

2 Comments:

Blogger Luc Mandret said...

Malheureusement on ne changera pas les touristes, de quelques nationalités qu'ils soient (mais surtout occidentaux) de rechercher la même chose en Afrique que sur les plages vendéeennes.

Malheureusement on ne changera pas les dictatures des pays notamment africains de ne pas se préoccuper de développement durable, de respect de la nature et de l'intégrité de leur pays. Ils sont plus dirigés pas les grands groupes (notamment pétroliers) et les pays encore une fois occidentaux ayant installés ces mêmes dictateurs (merci France-Afrique !).

A moins qu'un jour la révolte ne survienne, mais je n'y crois de moins en moins ...

D'ou l'intérêt de soutenir chaque petite initiative dans ces pays au tourisme kleenex ...

D'ou l'intérêt de boycotter les grands groupes tourisitiques et de préférer ceux locaux.

D'ou l'intérêt de réfléchir avant de prendre un billet d'avion.

Ca fait du bien de vous relire les frèrots !

Continuez, moi je m'envole vers ... l'égypte ...

Bizzz
Luc

4:44 PM  
Anonymous Anonyme said...

"Les nouvelles colonies de Vacances"

1:17 PM  

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